NOTE DE L'AUTEUR: Je vous invite à relire le PREMIER EPISODE de notre histoire, ce dernier ayant subit quelques modifications non négigeables afin de mieux vous plonger dans l'ambiance.
« La quoi?! »
Le capitaine Mordret regardait le dossier posé sur le bureau d'accueil du commissariat avec méfiance.
Il interrogea du regard le planton qui l'avait fait venir, un jeune échalas qui flottait dans son uniforme. Il ne rendit à Mordret qu'un regard vide qui semblait dire « si je devais prendre des décisions, à quoi ça sert que j'aie des supérieurs? »
Il leva les yeux sur la jeune femme debout face à lui, tout en se livrant à un de ses exercices préférés: établir mentalement sa fiche anthropométrique.
Femme. Nom: Pham. Prénom: Alice. Age: aux alentours de 27 ans. Taille: 1,66, poids, environ 51kg. Origine ethniques: métissées ; probablement asiatiques et nord-africaines. Yeux noirs, cheveux noirs (signe particulier: lourde dreadlock). Peau mate (addendum: olivâtre). Profession: assistante sociale ou quelque chose du genre. Note personnelle: extrêmement jolie.
Elle s'adressa à Mordret comme si il venait de lui vendre un poisson pas frais.
« La réinsertion. Ces deux personnes remplissent parfaitement les critères leur permettant de bénéficier du programme d'Insertion Judiciaire par l'Emploi. Et je veux savoir pourquoi vos services ont refusé de valider le dossier. Aussi j'exige de rencontrer le... »
Elle lut une note sur un calepin.
« ...commandant Mestaoui.»
Addendum à la note personnelle: emmerdeuse. Elle y croyait. Pire, elle avait la foi: Mordret l'entendait mettre les majuscules des sigles.
« Mademoiselle, je crois que vous avez pas bien saisi à qui vous avez à faire...
- Si je le sais. A deux personnes à qui des gens comme vous refusent de donner une chance pour des erreurs de jeunesse. Je connais leur dossier par coeur, leur casier ne contient que des broutilles, et... ou allez vous? »
Nouvel addendum: n 'aime pas la police ; a probablement déjà eu affaires au service. A vérifier.
Mordret s'était levé de son bureau en soupirant, et se dirigeait vers un couloir, le dossier sous le bras.
« Suivez-moi.
- Où ça?
- On va voir le Raïs.»
Mathilde et Du Plantier se figèrent comme deux ados surpris à échanger leur chewing-gum, et fixèrent les deux arrivants.
Ils étaient manifestement de la même famille ; même forme de visage en ovale, même nez droit, mêmes yeux verts, même bouche fine. Mais la ressemblance s'arrêtait là.
Le premier devait culminer au dessus du mètre quatre-vingt cinq, était plutôt élancé et dégingandé. Il mâchonnait un cure-dents, les mains dans les poches d'un air assez calme, presque ennuyé. Pourtant en le regardant, Du Plantier eut instantanément les vertèbres qui voulurent se carapater en douce, et sa sueur atteignit une température polaire.
Le second était au contraire petit, sans doute moins d'un mètre soixante-dix, et faisait plutôt râblé. Il se tenait les mains le long du corps, bouche serrée, l'air en colère... contre quoi Du Plantier n'aurait su le dire, mais il soupçonnait que c'était à peu près contre tout ce qui passait sous ses yeux, et comme à ce moment là, c'était lui, les vertèbres de Du Plantier se battirent entre elles pour atteindre la sortie la première.
Mathilde, toute larme soudain stoppée, se crut soudain dans un vieux polar. Les deux hommes étaient en effet tous deux en costume trois pièces gris, fine cravate, avec un feutre sur la tête, à large bord pour le plus grand, bords étroits pour le petit. La coupe était très classique, mais Mathilde se douta qu'il s'agissait en fait de sur-mesure. Seules leurs chaussures faisaient modernes, mélange parfait de tennis et chaussures de ville, mais restaient assorties à l'ensemble. Mathilde eut un bref moment l'impression qu'ils étaient en noir et blanc. En ajoutant à cela qu'ils venaient de parler avec un accent titi que Gabin n'aurait pas renié...
L'insertion? Ah? Euh... d'accord... 'pouvez disposer Mathilde, on en rediscutera. »
Cette dernière ne se fit pas prier, et se replia vers son bureau pour observer la confrontation, qui promettait d'être intéressante.
Du Plantier passait le cap de la surprise et reprenait ses postures de ministre en rangeant son bureau et en ramassant le dossier IJE au sol.
« Bien bien messieurs en premier lieu attention, je vois sur mon petit, mais précis bloc notes que vous aviez rendez-vous à neuf heures, et il est à ma montre... neuf heures pétantes! Hum.. bien! Bravo, ponctualité est grand mère de grandes qualités, comme je dis, hein?
- On peut s'carrer?
- Hein? »
Le plus petit désigna du menton les deux chaises disposées de l'autre côté du burau.
« Ah! Oui, mais attention! Confort au travail, flemme à l'ouvrage comme je dis souvent! Mais bon pour commencer de bonnes relations, un peu de détente, allons-y allons-y! »
Pour Du Plantier, il était très important que l'ordre social se reflète dans la disposition des sièges. Ainsi, les hauteurs des chaises, de son bureau et de son propre fauteuil étaient savamment calculées pour qu'il soit certain d'être en position supérieure par rapport à ses interlocuteurs. De fait, le petit se trouva avoir l'air minuscule, et le grand avait presque les genoux sous le menton, image qui redonna aux vertèbres de Du Plantier l'envie de se remettre en bon ordre.
« Aloooors, l'IJE! » dit Du Plantier
« Premier round » songea Mathilde.
A SUIVRE...